Mesure de Contraintes Résiduelles Multiaxiales à l’Echelle locale d’un polycristal par couplage FIB-CIN-EF. Application à l’acier 316L de Fabrication additive et à un acier austéno-ferritique

Un solide peut être à l’état de contrainte nulle à l’échelle macroscopique et faire figurer des contraintes non nulles à son échelle locale. Les matériaux métalliques peuvent être concernés par ces états, en particulier si des transformations de phase sont impliquées dans le procédé d’élaboration. Les interactions entre thermique, métallurgie et mécanique mises en œuvre sont effectivement la source du développement de ces contraintes, ce qui est bien connu dans les domaines du soudage, de la fonderie ou de la fabrication additive. Ces contraintes internes étant présentes de manière intrinsèques au procédé, sans être souhaitées ni bien contrôlées, on parle de contraintes résiduelles. Elles s’additionnent à celles dues à une charge mécanique externe et peuvent donc contribuer à un endommagement prématuré d’un matériau : réduction de durée de vie en fatigue, accélération des mécanismes physiques contraintes-dépendants (diffusion d’espèce chimique, transformation de phase, oxydation).

Différentes techniques ont donc été développées pour contrôler ces états de contraintes résiduelles. A l’échelle macroscopique d’une pièce, elles consistent à réaliser localement un enlèvement de matière, par exemple par perçage, et à mesurer les déformations dues à la relaxation des contraintes. Cette mesure peut être effectuée par Corrélation d’Images Numériques (CIN), livrant alors des champs de déformations et ouvrant la possibilité de caractériser un champ multiaxial. Dans ce contexte multiaxial, le passage de l’état de déformations mesurées à l’état de contraintes résiduelles s’effectue en s’appuyant sur des analyses par Eléments Finis reproduisant l’opération d’enlèvement de matière.

Cette méthode peut être transposée à l’échelle micrométrique de la pièce : l’intégration d’une sonde ionique focalisée (Focus Ion Beam, FIB) dans un Microscope Electronique à Balayage (MEB) permet de réaliser l’ablation de matière à une échelle de quelquesmicromètres tout en capturant l’image du matériau au cours de son usinage. Le matériau ayant été préalablement marqué à sa surface par des repères de ~10 nm, la méthode de Corrélation d’Image Numérique (CIN) permet de mesurer les déplacements de ces repèreset d’en déduire un champ de déformations. Compte tenu des dimensions caractéristiques (plot, tranchée, repères), des contraintes mises en jeu (~100 MPa) et des rigidités élevées, la précision nécessaire à une mesure exploitable d’un déplacement est de l’ordre de 1 nm.

Assurer les conditions d’une mesure de champs suffisamment précise représente un premier enjeu de cette thèse. Il s’agit donc en premier objectif de développer le protocole d’analyses MEB-FIB-CIN en s’appuyant sur des échantillons dont les états de contraintes résiduelles sont simples et connus: contrainte uniaxiale de valeur connue approximativement (méthode RX), grain suffisamment grand pour garantir l’homogénéité des champs mécaniques. Le second objectif est l’extension de la méthode pour un contexte de microstructure et de champs mécaniques hétérogènes (intrinsèquement multiaxiaux). Cette situation implique de prendre en compte explicitement la microstructure du voisinage proche du pilier traité dans des analyses par éléments finis, que ce soit d'autres grains ou une autre phase. Ce contexte est celui d’aciers élaborés par fabrication additive ou encore celui d’un acier austéno-ferritique. Les deux sont fortement hétérogènes, avec des longueurs caractéristiques de grain à grain ou de phase à phase de l’ordre de quelques μm ; les deux peuvent impliquer des états de contraintes à l’ordre 300-400 MPa, et pour les deux une connaissance fine de ces états représente un fort enjeu industriel compte tenu des applications de pointe visées.

 

Contact : Fabrice Barbe, fabrice.barbe@insa-rouen.fr